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Je vous livre ici mon analyse faite à partir du livre de S. TISSERON, « 3-6-9-12 Apprivoiser les écrans et grandir »

3 directions à suivre :

  1. Apprentissage de l’autorégulation : fixer des tranches horaires, convenir
    de contrats d’utilisation.
  2. Pratique de l’alternance : qui repose sur la variation de stimulations et
    l’encouragement à développer des activités qui mobilisent ses 5 sens et
    ses 10 doigts.
  3. L’accompagnement : faire raconter à l’enfant ses expériences d’écrans
    pour passer de la pensée spatialisée propres aux écrans à la pensée
    linéaire du récit.

Extrait du flyer de 3-6-912

Avant 3 ans : jouer, parler, arrêter la TV

L’enfant a besoin d’apprendre à se repérer dans l’espace et le temps.

  • Eviter d’allumer la TV dans une pièce où se trouve l’enfant, elle nuit à son développement, même s’il ne la regarde pas.
  • Réservez la tablette et le smartphone à des usages accompagnés, en complément de jouets traditionnels.

Entre 3 et 6 ans : limitez les écrans, partagez les, parlez-en en famille

L’enfant a besoin de découvrir toutes ses possibilités sensorielles et manuelles.

  • Evitez l’ordinateur et la TV dans la chambre.
  • Etablissez des règles claires sur le temps d’écran et respectez les âges pour les programmes.
  • Préférez les jeux vidéo auxquels on joue à plusieurs à ceux auxquels on joue seul (ordinateurs et consoles de salon peuvent être un support occasionnel de jeu en famille)
  • N’offrez pas une console de jeux personnelle à l’enfant car à cet âge, jouer seul devient rapidement stéréotypé et compulsif.

Entre 6 et 9 ans : créer avec les écrans, expliquez lui internet

L’enfant a besoin de découvrir les règles du jeu social.

  • Evitez la tv et l’ordinateur dans la chambre
  • Etablissez des règles claires sur le temps d’écran et respectez les âges indiqués pour les programmes (les règles doivent évoluées avec l’âge)
  • Paramétrez la console de jeu du salon
  • A partir de 8 ans, expliquez-lui le droit à l’image et le droit à l’intimité

Entre 9 et 12 ans : apprenez-lui à se protéger et à protéger ses échanges

L’enfant a besoin d’explorer la complexité du monde.

  • Continuez à établir des règles claires sur les temps d’écran.
  • Déterminez avec lui l’âge à partir duquel il aura son téléphone mobile.
  • Rappelez régulièrement les 3 caractéristiques d’internet :
    • Tout ce que l’on met peut tomber dans le domaine public
    • Tout ce que l’on met restera éternellement
    • Tout ce que l’on trouve est sujet à doute : certaines données sont vraies mais d’autres sont fausses.

Après 12 ans : restez disponibles, il a encore besoin de vous

L’enfant commence à s’affranchir des repères familiaux

  • L’enfant surfe seule sur la toile, mais convenez d’horaires à respecter.
  • Evitez de lui laisser une connexion nocturne illimitée depuis sa chambre
  • Discutez avec lui du téléchargement, des plagiats, de la pornographie et du harcèlement.
  • Refusez d’être son ami sur facebook

A tout âge : limitons les écrans, choisissons les programmes, invitons l’enfant à parler de ce qu’il a vu et fait, encourageons les pratiques créatrices sur les écrans.

3-6-9-12 Apprivoiser les écrans et grandir –S. Tisseron

Introduction :

Le risque d’un usage excessif des écrans est d’autant plus grand qu’ils proposent des produits aussi attractifs pour votre cerveau que le sont les barres chocolatées et les sodas pour notre palais. Les programmes et les jeux qui défilent sur les écrans menacent plusieurs des capacités de l’enfant : le langage, l’attention et la concentration, les compétences sociales par la possibilité d’identifier les mimiques d’autrui et même l’empathie. Le principal problème des écrans, c’est le temps que l’on y passe et l’âge auquel on y est confronté.

Pour permettre à l’enfant et l’adolescent de bien gérer les écrans, il nous faut renoncer à deux tentations : idéaliser ou diaboliser. Attendre des miracles des écrans (en terme d’apprentissages, de connaissances…) serait aussi stérile que de vouloir s’en passer. Il nous faut aussi interroger notre propre rapport aux écrans et aussi celui des familles. Si les écrans sont des remèdes contre la dureté de la vie, contre l’isolement… il est fort probable que les règles préconisées ne soient pas suivies.

Le problème n’est pas qu’il y a trop d’écrans dans nos vies, mais qu’IL N’Y A PAS ASSEZ DE LIENS. Il faut inverser le raisonnement et apprendre à avoir affaire aux écrans différemment.

Pourquoi une telle fascination des écrans?

    • L’être humain est une créature qui a pour but de repérer ce qu’il y a autour de lui d’où la FORCE DU VISUEL.

    • La position verticale a développé notre sens visuel. Celui-ci étant très aiguisé, cela nous amène à une captivation pour tout ce qui bouge.

    • Face à un écran nous sommes comme hypnotisés = plongés dans un présent infini, dans une suspension hors du temps, nous échappons à la loi du temps (et aux soucis du quotidien).

Age de développement et écrans : concilier les besoins spécifiques de chaque âge avec l’utilisation des écrans.

Avant 3 ans : l’enfant a besoin de se construire ses repères dans l’espace et le temps

Dès sa naissance, le bébé se construit sa connaissance du monde et de lui-même c’est-à-dire la conscience spécifique et différentiée de son propre corps, grâce à ses actions sur l’environnement. Les jouets traditionnels manipulés dans les 3 directions de l’espace sont les plus adaptés à cet âge : pour se construire des repères corporels et sensori-moteur, l’enfant doit flairer, toucher, porter à la bouche, secouer les objets. L’enfant qui se livre à ses activités construit ses compétences sensorielles, découvre ses possibilités de son corps et apprend à se repérer dans l’espace.

Après les repères sensoriels et moteurs, les repères temporels sont primordiaux. C’est la condition pour se repérer dans le temps spatial, sociale mais aussi pour se reconnaître comme sujet de sa propre histoire. Rien ne les installe mieux chez lui que lorsqu’il est confronté à des rythmes réguliers (notamment ceux du sommeil et des repas), lorsque des adultes lui rappellent les évènements passés et à venir, lui lisent des histoires.

Les dangers de l’exposition aux écrans non interactifs :

  • Danger pour le développement du langage : l’exposition aux mots ne suffit pas pour développer l’acquisition du langage, il est nécessaire que l’enfant soit exposé à une boucle interactive. C’est la capacité de l’adulte à moduler sa voix en fonction de ses propres états émotionnels et ceux du bébé qui importe, c’est le fait que l’enfant soit invité à répéter, à comprendre le sens de l’histoire. Raconter ou lire des histoires aux enfants potentialise les possibilités linguistiques.
  • Danger pour les capacités d’attention et de concentration : le bébé apprend à se concentré en se concentrant, et cela est rendu plus difficile avec une TV allumée en permanence (même en bruit de fond) car elle a un pouvoir de captation important (contrairement à de la musique ou la radio). L’œil et l’oreille sont fortement sollicités : images qui changent rapidement, qui se présentent pour un œil ou une oreille non habitués sous forme de flashs (un avion qui décolle, un cri dans une série…).
  • Danger pour la santé physique : chaque heure de plus passée devant la TV se traduit à 10 ans par une diminution de 9 % de l’activité physique générale, une augmentation de 10 % de grignotage et de 5 % de l’indice de masse corporelle qui mesure l’obésité.
  • Les dangers pour la socialisation : l’enfant installé devant la TV n’a pas la possibilité d’installer à l’intérieur de lui une alternance de points de vue. Quand un enfant joue, il peut alternativement prendre toutes les places : celui qui poursuit et celui qui est poursuivi… Devant un écran l’enfant est toujours à la même place (dans les jeux vidéo il aura tendance à s’identifier toujours au même personnage ; face à la TV, il s’identifiera toujours au personnage qui lui ressemble le plus : l’agresseur ou l’agressé, celui qui gagne ou celui qui perd…). Or, c’est la capacité à s’imaginer à plusieurs places qui construit l’empathie. De plus, c’est cette alternance qui encourage la négociation et non le rapport de force.
  • Dangers sur le rapport au temps : devant la TV, chaque instant se suffit à lui-même car il est suffisamment chargé de couleurs, de mouvement d’émotion. Il ne nous ait pas encouragé à nous rappeler du passé et imaginer l’avenir car tout est condensé dans le présent. Face aux jeux vidéo, ils immergent les enfants dans un monde de réversibilité permanente et totale puisqu’il est possible à tout moment de revenir en arrière et de faire réapparaître ce que l’on vient d’effacer (la gomme elle n’efface pas tout, il reste toujours des traces de ses actions). D’où la difficulté à concevoir l’irréversibilité des actions, et le risque de minimisation des conséquences de son comportement.
  • Danger sur « l’agentivité » (= capacité de l’enfant de se constituer comme acteur du monde qui fait arriver des choses et pas seulement quelqu’un à qui il arrive des choses) : risque d’être plus souvent victime ou bouc émissaire. En effet un enfant qui se perçoit seulement comme quelqu’un à qui il arrive des choses est moins enclin à répondre à des agressions mineures qu’un enfant convaincu que ses réponses vont mettre un terme à celles-ci. Les agresseurs repèrent vite ces enfants peu réactifs et ils augmentent progressivement la gravité de leur agression.

= avant 3 ans, l’utilisation des écrans doit être très mesurée, limitée dans le temps (séquences courtes qui introduisent la notion de fin), réservée plutôt à des jeux interactifs.

Entre 3 et 6 ans : l’enfant a besoin de découvrir toutes ses possibilités et de confronter sa compréhension du monde à celle des adultes.

  • Les avantages des écrans :

Les écrans interactifs mettent à contribution deux types complémentaires d’intelligence : intuitive et hypothético-déductive. D’un côté, ils encouragent la résolution intuitive des tâches par essais-erreurs. Ici, il s’agit d’agir pour comprendre et l’erreur est source d’enseignement. De l’autre, ils mettent à contribution la capacité d’anticipation et le retour d’expérience, en mettant en scène 4 étapes successives : observation-hypothèse-manipulation du réel-observation du résultat (notamment dans de nombreux jeux de stratégies et d’aventure).

  • Les dangers des écrans

Pour la TV, les enfants de cet âge regardent le plus souvent des émissions qui ne leur sont pas destinés. Le caractère traumatique des écrans est lié à 3 causes : leur très forte charge émotionnelle qui submerge l’enfant de sensations et d’émotions sans commune mesure avec celle avec lesquelles il est confronté dans sa vie quotidienne ; l’impossibilité de leur donner du sens du fait que l’enfant est souvent seul devant l’écran ; l’impossibilité de gérer cette situation potentiellement traumatique par le moyen du jeu (jeux symboliques entre autres). Chez les plus jeunes, cette insécurité générée par les écrans s’accompagne d’une attente de sécurisation qui ne vient jamais et qui peut provoquer des crises de rage ou de désespoir aussitôt l’écran éteint.

A cet âge l’enfant a besoin de jeux qui associent la dimension multisensorielle pour que s’installe le sentiment d’être à la fois dans « son corps » et « au monde » c’est-à-dire à cet âge relié à sa famille. De même pour développer l’habileté motrice et les zones cérébrales associées, il faut que l’enfant joue avec ses 10 doigts. Le problème c’est que les jeux vidéo ne peuvent pas se substituer aux jeux traditionnels, ils sont complémentaires ; or, lorsqu’ils sont introduits, ils risquent d’accaparer tout l’intérêt de l’enfant au détriment des jeux traditionnels.

Entre 6 et 9 ans : l’enfant a besoin de découvrir les règles du jeu social

  • Les avantages des écrans :

Les stratégies que le joueur est invité à mettre en place peuvent stimuler certaines compétences comme l’innovation. Les écrans préparent aussi les enfants à une société de l’information dans laquelle la réflexion stratégique, la créativité et la coopération sont des facultés essentielles.

  • Les dangers des écrans

Compte tenu de la violence présente sur de nombreux écrans, il est indispensable de respecter les âges indiqués pour les programmes et jeux vidéo. En même temps, le dialogue en famille pour permettre de donner sens à ce que l’enfant a vu et entendu est indispensable ; de plus, il est important en parallèle de développer la compassion et la solidarité.

La fréquentation d’internet à cet âge risque de brouiller deux formes de repères que l’enfant est en train de se construire et qui lui sont indispensables : la distinction entre espace privé et espace public (cela n’est acquis que vers la 8ème année, et elle est essentielle pour relativiser les documents trouvés sur internet ou pour décider ce que l’on peut montrer de soi-même) ; et la notion de points de vue (qui permet de comprendre que plusieurs personnes peuvent avoir des points de vue différents sur un même sujet, ce qui est indispensable pour surfer sur le net en toute tranquillité).

Entre 9 et 12 ans : l’enfant a besoin d’explorer la complexité du monde

  • Les avantages des écrans :

Il vaut mieux préférer les jeux où l’on joue à plusieurs et si possible à proximité (dans la même pièce : la wii…) ; de même les activités créatrices dans les jeux sont intéressantes pour orienter durablement la façon d’utiliser les écrans plus tard.

  • Les dangers des écrans

Le danger à cet âge est surtout d’y consacrer trop de temps. La présence de la violence est aussi problématique : l’observation des conduites d’autrui dans la réalité ou les mises en scène, est un facteur qui favorise le déclenchement ou l’inhibition des conduites agressives.

Après 12 ans : l’enfant s’affranchit des repères familiaux

  • Les avantages des écrans :

C’est l’âge des réseaux sociaux qui familiarisent les jeunes avec les mondes numériques et constituent un nouvel espace d’expérimentation sociale qui leur permet de se définir et de définir le monde qui les entoure. L’adolescent qui fréquente les réseaux sociaux renforcent toutefois d’autant mieux ses compétences sociales qu’il va et vient entre les relations réelles quotidienne et les relations réelles médiatisées par les technologies numériques.

Quant aux jeux vidéo en réseau, ils développent l’aptitude à travailler en équipe et la curiosité à l’égard des autres, en termes de compétences et de savoir. Ils inciteraient chaque joueur d’une équipe à se poser ces questions : dans mes relations, qui sait faire quoi ? Qui connait quoi ? 2 comportements sont également répandus : l’altruisme c’est-à-dire l’aptitude qui a pour but le bien-être des autres individus ; et la réciprocité sociale, c’est-à-dire la capacité d’interagir et de maintenir des échanges sociaux mutuels (par ex en répondant à une action positive par une action positive).

Dans les jeux de tir, les personnes qui y jouent ont des performances augmentées dans des tâches d’attention et de perception rapide, et ces acquis peuvent se transferer dans tous les domaines de la vie.

  • Les dangers des écrans

Le premier danger est l’influence des images violentes, qui peut conduire à l’inhibition des conduites de coopération et peut présenter des risques de passage à l’acte (mais cela dépend de nombreux autres facteurs comme les conditions de vie, l’éducation…).

Le second problème est l’utilisation excessive des écrans lorsqu’ils sont un révélateur pour vaincre des problèmes sous-jacents : dépression, déficit d’estime de soi, anxiété sociale, violence scolaire, deuil… Mais attention, l’utilisation intensive peut constituer un support de création, de socialisation et d’enrichissement (You tubeurs par ex).

Il sera important d’avoir une bonne pratique des écrans pour qu’ils soient utilisés à bon escient. C’est pourquoi il sera important de revisiter les règles d’utilisation et que ce changement soit l’affaire de tous. Le contrôle des impulsions n’est pas mature avant 25 ans, alors c’est aux adultes d’aider le jeune dans ce contrôle par des règles qui régissent la vie de famille.

La quadruple révolution des technologies numériques

1. Une révolution dans la relation aux savoirs

La culture du livre est une culture du singulier : Celui qui connait quelque chose écrit un livre pour ceux qui ne savent : c’est une culture verticale. Elle est associée à l’idée de faire une seule chose à la fois et de le faire jusqu’au bout le mieux possible. Il impose l’idéal d’un travail soucieux de perfection.

La culture des écrans est une culture multiple, plurielle : plusieurs personnes sont réunies devant plusieurs écrans dont les contenus ont été créés par des équipes. Elle est placée sous le signe d’une relation horizontale des savoirs telle que la propose Wikipédia. C’est aussi la culture des tâches multiples menées en parallèle dans laquelle chacune est pensée comme provisoire.

2. Une révolution dans la relation aux apprentissages

    • Pensée chronologique et pensée spatialisée :
      • la culture du livre est organisée par la succession des mots, des lignes, des paragraphes et des pages. Elle induit un modèle linéaire organisé autour de relations de temporalité et de causalité, les histoires s’organisent autour d’un avant, d’un pendant et d’un après. Cette culture encourage donc la mémoire évènementielle et l’ancrage dans le temps. Elle favorise les habitudes et les automatismes.
      • La culture des écrans favorise la pensée circulaire, en réseau. L’internaute navigue selon ses envies, elle encourage l’innovation en obligeant à rompre avec les habitudes mentales (pour réussir dans un jeu, il faut parfois oublier les stratégies gagnantes dans un jeu pour s’ouvrir à de nouvelles démarches).
    • Mémoire événementielle contre mémoire de travail :
      • la culture du livre favorise la mémoire événementielle ; ici, savoir c’est se souvenir de ce que l’on a appris (pour lire un livre, il faut se souvenir de ce que l’on a lu auparavant).
      • Les écrans confrontent à la nécessité de travailler avec diverses sources, de les croiser, de les concilier, de les comparer et d’en tirer des informations pour un usage précis = c’est la mémoire de travail (= maintenir et manipuler des info et des instructions en s’appuyant sur des documents que nous avons devant nous, mais le plus souvent en exerçant ces tâches de façon mentale).
    • Attention profonde et attention de courte durée :
      • l’attention profonde, ou soutenue nous permet de nous concentrer longtemps sur une tâche complexe, qui prend du temps, tandis que « l’attention concentrée ou hyperattention » nous permet de réagir rapidement à une situation imprévue.
      • Dans les jeux vidéo, l’attention longue est sollicitée dans les moments d’exploration, tandis que l’attention concentrée est sollicitée dans les combats.

= Les deux formes d’attention sont importante et ceux qui seront bien les utiliser toutes les deux seront plus souples pour réagir aux exigences des nouvelles situations.

3. Une révolution psychologique

  • De l’identité unique, aux identités multiples :
  • Dans la culture du livre, l’identité unique est valorisée, une fois constituée elle est définitive.
  • Dans la culture des écrans, l’identité se multiplie. Chacun devient multi-identitaire. Avoir plusieurs identités ne signifie pas avoir plusieurs personnalité, mais les identités sont comme des vêtements que l’on change. La pathologie ne survient que lorsque une personne voit ses identités lui échapper et qu’elle en endosse une inadaptée à l’espace dans laquelle elle se trouve confrontée.
  • Du refoulement au clivage :
    • Dans la culture du livre, le mécanisme de défense privilégié est le refoulement. Comment se déroule-t-il ? Au début il y a un désir (notamment sexuel ou agressif) dont la réalisation est interdite. Les représentations qui y correspondent sont repoussées dans un espace psychique inaccessible (l’inconscient). Le refoulement sépare émotions et représentations, puis réprime les représentations gênantes. Or aujourd’hui, les jeunes enfants sont confrontés à des images à fort contenu agressif ou sexuel qui excèdent leurs possibilités de refoulement. Avant 7 ans, il leur est difficile de prendre du recul par rapport à leurs émotions et surtout de les contrôler. Ils utilisent donc un autre mécanisme de défense pour s’en protéger : le clivage qui est le mécanisme de défense de l’être humain pour gérer les situations traumatiques. Le clivage isole sans les transformer les émotions, les états du corps, les images et les pensées dont la gestion psychique est provisoirement impossible. Le problème c’est que contrairement au refoulement, le clivage n’est pas stable. Les émotions, les états du corps, les images et les pensées clivées peuvent envahir à tout moment celui qui tente de s’en protéger. Il est alors submergé par ce qu’il a éprouvé dans le passé comme s’il était plongé dans la même situation. Ainsi sommes-nous capables de penser à une chose et de tout de suite l’oublier, puis d’y être immergé de nouveau sans recul. Du coup les pensées contraires coexistent sans s’exclure. La même personne peut alors faire succéder des comportements présociaux ou antisociaux, ce qui est impossible avec le refoulement (le clivage explique les positions d’ange ou de démon).
  • La valorisation des images :
    • La culture du numérique élève les images au statut de moyen de symbolisation et de communication à part entière. En permettant de multiplier gratuitement les clichés, le numérique a ouvert la voie de l’essai-erreur et le tâtonnement expérimental. En rendant visible immédiatement les résultats sur internet, il développe le sens de l’immédiateté.

4. Une révolution des liens et de la sociabilité

  • De la proximité physique au partage :
    • Dans la culture du livre, les liens privilégiés sont surtout des liens de proximité physique. Ces liens sont considérés comme forts (plutôt dans l’environnement proche de l’enfant, en autres la famille), tandis que liens plus distants géographiquement sont considérés comme faibles.
    • Dans la culture du numérique les liens s’organisent selon des centres d’intérêt communs, du coup deux personnes qui n’habitent pas le même pays peuvent avoir des liens forts. Cela a été aussi encouragé par l’évolution des familles avec des liens qui peuvent être plus distendus au sein des familles.
  • Autorité et régulation :
    • Dans la culture du livre, l’autorité est assurée par la reconnaissance que donnent les diplômes, eux-mêmes délivrés par un pouvoir reconnu.
    • Au contraire, dans la culture du numérique, l’autorité est fondée sur la reconnaissance des pairs. Il en résulte un changement majeur dans le mode de régulation des groupes. Dans la culture du livre, dans la elle repose sur la culpabilité et la punition (c’est la tables de la loi dont Moïse est le dépositaire dans la bible, c’est le code pénal). Dans la culture numérique, la régulation repose sur tous les participants. Son instrument est la honte qui menace l’e-réputation.
  • Discours de l’intime et intégration groupale :
    • Dans la culture du livre qui valorise les rencontres réelles, l’expression des expériences intimes s’oppose à l’appartenance à un groupe. En pratique, cela signifie que celui qui est parvenu à se faire intégrer dans une communauté hésite à y exposer sa vie intime de peur que cela ne déplaise au risque d’être rejeté.
    • Dans la culture numérique, on souhaite être rattaché à plusieurs groupes, en fonction de centres d’intérêt communs ce qui suppose de s’exposer, de parler de soi. L’exposition de soi est donc un outil au service de l’intégration.

L’indispensable complémentarité :

La culture des écrans n’est donc pas une sous culture, mais une culture différente avec ses avantages et ses inconvénients, tout comme la culture du livre.

Dans la relation au savoir, le danger de la seule culture du livre est l’hyperspécialisation avec le risque de ne pas pouvoir faire face aux défis nouveaux. Dans le domaine des apprentissages, le risque est la réduction des compétences aux apprentissages par cœur ce qui contribue à inhiber la créativité, mais valorise aussi beaucoup l’obéissance avec le danger de privilégier la reproduction sur l’innovation. Dans le domaine social, internet a ouvert le monde aux jeunes qui sont plus enclins à se voir comme citoyens du monde et lever les barrières des différences liées à l’origine géographique.

C’est donc bien dans la complémentarité des deux cultures que se loge le nouveau rapport au monde.